
Par : Martine Perreault, présidente de Mapé – Stratégie et affaires publiques
Dans un contexte économique mondial troublé, le ministre des Finances Éric Girard a présenté, le 28 mars dernier, le budget 2025-2026 du Québec. Intitulé Pour un Québec fort, ce septième exercice du gouvernement Legault prend acte des incertitudes liées aux tensions commerciales avec les États-Unis, de la baisse de la croissance mondiale et du climat politique intérieur fragilisé. Son message est clair : il faut stimuler l’économie, même au prix d’un déficit historique de 13,6 milliards de dollars, le plus important déficit jamais enregistré dans l’histoire de la province.
Une croissance fragile sous haute tension
La croissance du PIB est prévue à 1,1 % en 2025, mais elle pourrait passer sous la barre du zéro dans un scénario défavorable où les tarifs douaniers américains de 25 % se maintiendraient. Le gouvernement envisage alors une légère récession, avec une contraction de 0,1 %. À l’inverse, si les tensions commerciales s’apaisent rapidement, la croissance pourrait atteindre 1,8 % en 2025. En parallèle, l’inflation devrait se stabiliser à 2,1 % cette année et à 2 % par la suite. Le marché du travail devrait demeurer relativement solide, avec 39 100 créations d’emplois anticipées en 2025.
Un déficit assumé pour éviter la récession
Le déficit de 13,6 milliards comprend les versements au Fonds des générations. Sans le Fonds, le déficit réel de l’État s’élève à 11,4 milliards de dollars. Selon le ministre Girard, ce déficit est volontaire, l’objectif du gouvernement du Québec étant de protéger l’économie. M. Girard a insisté sur le fait que la situation actuelle, bien qu’inédite, présente des similitudes avec les celle vécue pendant la pandémie, en particulier pour les entreprises manufacturières frappées par les nouvelles barrières commerciales.
Une dette en progression et des cibles révisées
La dette nette du Québec atteindra 38,7 % du PIB au 31 mars 2025 et continuera de grimper jusqu’en 2028, moment où elle culminera à 41,9 %. Elle amorcera ensuite une baisse progressive. Malgré cette pression sur les finances publiques, le gouvernement maintient son engagement de revenir à l’équilibre budgétaire d’ici 2029-2030.
Des investissements massifs pour relancer la croissance
Le gouvernement mise sur l’investissement public pour soutenir l’activité économique. Le Plan québécois des infrastructures 2025-2035 a été bonifié de 11 milliards, portant son total à 164 milliards de dollars. En moyenne, 19 milliards seront investis annuellement dans des projets liés aux écoles, aux hôpitaux, aux routes, aux logements, au transport collectif ainsi que dans les secteurs des minéraux critiques et de l’énergie.
L’innovation et le développement économique à l’honneur
L’innovation est au cœur des priorités économiques du gouvernement du Québec cette année. Le gouvernement mettra ainsi en place un nouveau crédit d’impôt, soit le CRIC (crédit à la recherche, l’innovation et la commercialisation), qui remplacera plusieurs mesures disparates. Ce nouveau crédit d’impôt sera accompagné de 15 millions supplémentaires pour les secteurs prioritaires.
Le programme Roulez vert relancé, mais pas pour longtemps
Le programme Roulez vert sera réinstauré à compter du 1er avril 2025. Les consommateurs pourront ainsi bénéficier de rabais allant jusqu’à 4 000 $ pour un véhicule électrique neuf et de 2 000 $ pour un véhicule d’occasion ou un hybride rechargeable. Toutefois, ce programme sera retiré en 2027. D’ailleurs, pour compenser la perte de revenus liée aux taxes sur le carburant, une contribution annuelle de 125 $ pour les véhicules électriques et de 62,50 $ pour les hybrides rechargeables sera exigée dès janvier 2026. Le seuil d’assujettissement pour les véhicules de luxe passera de 40 000 à 62 500 $, mais l’exemption précédemment accordée aux véhicules électriques sera retirée.
Une réforme fiscale en profondeur
Au cours de la dernière année, le gouvernement du Québec a mené une révision complète de 170 mesures fiscales existantes. Plusieurs crédits peu utilisés seront éventuellement supprimés, dont les déductions pour les actions accréditives, les mesures d’étalement de revenu pour les artistes, les congés fiscaux pour les spécialistes étrangers de même que certaines exemptions pour le transport collectif. Le bouclier fiscal, qui protégeait environ 140 000 contribuables contre les effets de seuil sur les prestations sociales, sera également aboli.
En parallèle, la taxe sur les primes d’assurance sera harmonisée avec la TVQ à compter du 1er janvier 2027, une mesure qui pourrait entraîner une hausse des coûts pour de nombreux assurés. Les entreprises, quant à elles, bénéficieront de la prolongation de l’amortissement accéléré à 100 % jusqu’en 2029, malgré le fait que la mesure fédérale correspondante ne soit pas encore officiellement en vigueur.
Un climat politique défavorable
Le dépôt de ce budget survient alors que la Coalition Avenir Québec traverse une période de turbulences. La défaite dans la circonscription de Terrebonne, lors d’une élection partielle remportée par le Parti Québécois il y a quelques semaines, a sonné l’alarme pour le gouvernement. Ce revers électoral s’ajoute au scandale entourant SAAQclic, une réforme numérique de 1,1 milliard de dollars qui a entaché la crédibilité de l’administration caquiste en matière de gestion publique.
Dans ce climat, le gouvernement tente de regagner la confiance du public en affichant un cap économique clair, axé sur la relance, l’innovation et la rigueur à long terme, tout en maintenant les services essentiels.
À propos de Mapé – Stratégie et affaires publiques
Mapé – Stratégie et affaires publiques est une firme spécialisée en affaires publiques, en relations gouvernementales et en communications basée au Centre-du-Québec. Chez Mapé, nous vous proposons une approche audacieuse et humaine, qui nous distingue des gros joueurs de l’industrie, et qui a déjà fait ses preuves auprès de plusieurs organisations provenant d’horizons diversifiés.
Archives